C’est ce à quoi ressemble l’innovation. Une petite équipe, dirigée par James Ludwig, a réalisé une percée dans le domaine du siège avec la conception de SILQ. L’innovation peut apparaître à certains comme une alchimie miraculeuse, une transmutation magique, note James Ludwig. Mais la magie, explique-t-il, fut de réunir une équipe de penseurs qui ont créé un processus en instance de brevet et une innovation révolutionnaire.
Le matériau utilisé, sa forme et sa structure font de SILQ un siège original qui répond aux mouvements naturels du corps. Dépourvu de mécanisme, contrairement à la plupart des sièges, il affiche un design épuré aux lignes aériennes et une seule hauteur de réglage.
L’ÉQUIPE
L’équipe était un condensé d’idées neuves et de décennies d’expériences, avec à sa tête, James Ludwig, un bricoleur dans l’âme, qui construit des robots et collectionne des moteurs de voitures et de bateaux depuis 1958. L’ingénieur en chef Kurt Heidmann a participé à la conception de sousmarins nucléaires avant de se consacrer au design de mobilier. Bruce Smith, directeur du design mondial, a manipulé un pont roulant de 40 tonnes et a conçu des intérieurs de jets sur mesure avant de se lancer dans le design de sièges chez Steelcase, il y a 32 ans. Mark Spoelhof, le designer principal, est un pilote de voitures de course amateur et un ébéniste accompli qui a construit son propre bateau et sa grange. Nick Deevers, ingénieur produits, a démarré sa propre entreprise d’ingénierie dès sa sortie de l’université et adore tellement fabriquer des choses que sa maison s’appelle « L’atelier » (The Shop). Ensemble et grâce à leur approche inédite du projet, ils ont réussi à résoudre ce casse-tête de design et d’ingénierie.
« NOUS AVIONS CONFIANCE ET UNE VISION RADICALE. »
L’idée derrière SILQ est née d’un croquis que James Ludwig a dessiné en 2008 : il avait imaginé un siège au design simple, qui ne nécessitait pratiquement aucun réglage, et destiné à des individus nomades. Une idée très en avance sur son temps, car les matériaux, l’impression 3D, le design assisté par ordinateur, le moulage et d’autres technologies de production n’étaient pas encore suffisamment au point pour parvenir à un résultat. Le projet avait donc été suspendu. Mais l’idée a refusé de mourir. Lors de la conférence annuelle TED, James Ludwig a écouté la sprinteuse paralympique Aimee Mullins parler de la durabilité, la flexibilité et la réactivité de ses jambes prothétiques. La réactivité de la fibre de carbone aux mouvements des athlètes l’a inspiré. Il a donc consulté l’ingénieur en chef Kurt Heidmann et ils ont tous les deux décidé qu’il était temps de retravailler sur le croquis abandonné.
« Nous avons connu des échecs spectaculaires, explique Kurt Heidmann. Nous cherchions un moyen de rendre le siège simple et solide. Je me souviens être rentré plusieurs fois chez moi en me disant qu’on n’allait jamais trouver. »
« Mais l’équipe y croyait. Non seulement elle avait identifié le problème, mais elle était dans le contexte adéquat et avait les personnes qu’il fallait pour réussir. Il faut, en effet, identifier le bon problème, les bonnes personnes et le bon contexte. Nous avions une vision claire du projet, a déclaré Mark Spoelhof. Nous avons tout fait pour simplifier le siège et l’améliorer au maximum.».
L’idée de départ était claire : concevoir un siège qui réponde aux mouvements du corps. Grâce aux recherches menées sur les propriétés de la fibre de carbone, nous avons pu réaliser une percée technologique. Une première expérience avait ouvert la voie : la chaise empilable LessThanFive, solide et légère, de Coalesse.
« SI NOUS RÉUSSISSONS À FOURNIR DES PERFORMANCES ET UN SUPPORT AVANCÉS À TRAVERS UN SYSTÈME PLUS SIMPLE, ALORS NOUS AVONS BIEN FAIT NOTRE TRAVAIL. »
Le siège SILQ est extrêmement solide, incroyablement mince et très réactif. La presse l’a déjà qualifié de « révolutionnaire », voit en lui « l’avenir des sièges de bureau » et assure qu’une fois assis, « vous ne voudrez plus jamais le quitter ».
« Lorsque vous vous asseyez et que vous vous penchez en arrière, SILQ s’adapte aux mouvements naturels de votre corps, vous donnant l’impression de ne faire plus qu’un avec le siège », explique Nick Deevers. « Ce n’est pas un hasard. Nous avons réfléchi à l’endroit et à la manière dont il bougerait, aux changements des taux de résistance en fonction de la stature et de la posture de la personne. L’ingénierie et le design sont inséparables lorsqu’on a cette volonté d’aller vers la simplicité. »
« SILQ EST UN TÉMOIGNAGE DE L’ESPRIT D’INNOVATION. »
Une fois que l’équipe a commencé à travailler, SILQ s’est développé à une vitesse fulgurante – de la formation d’une équipe au produit fini en seulement 18 mois. Bruce Smith affirme que tout a commencé par une série d’essais asymétriques – des essais diversifiés aidant à répartir le risque.
« Cela demandait du courage. Les risques étaient réfléchis mais on ne peut pas les éliminer totalement », explique Bruce Smith. À chaque essai, l’équipe a appris, en créant des prototypes et des modèles aussi vite que possible. Grâce à leurs recherches antérieures sur les matériaux, la technologie et le comportement du corps, les acteurs du projet ont pu avancer rapidement. Grâce à la fibre de carbone, ils ont trouvé comment construire un système simple où le matériau devient le mécanisme. SILQ est plus organique que mécanique. Et la solution est arrivée au bon moment, au moment où les individus commençaient à travailler autrement, de façon plus nomade, passaient moins de temps dans un espace désigné.
« C’ÉTAIT PARFOIS DÉCOURAGEANT. ET ENSUITE, TRÈS EXCITANT. »
Mais la réalisation d’un système simple avec de la fibre de carbone ne constituait qu’une première étape. Selon James Ludwig, l’invention est la création de quelque chose de nouveau. Mais l’innovation, c’est savoir développer un produit qui aura un impact sur la vie d’un grand nombre de personnes. L’expérience acquise dans l’observation des modes de travail et une dose d’intuition ont permis à l’équipe de comprendre qu’il existait un besoin pour un siège ne nécessitant aucun réglage. Mais la fibre de carbone est coûteuse et le siège ne serait pas accessible à tous. L’équipe a donc estimé qu’ils ne pouvaient pas limiter SILQ à une solution premium.
James Ludwig est revenu vers son équipe pour lui demander de relever un nouveau challenge : trouver un moyen de créer SILQ en utilisant un matériau qui reproduise les propriétés de la fibre de carbone, mais qui soit moins coûteux. Et ils réalisèrent une nouvelle percée technologique, aujourd’hui en instance de brevet : l’utilisation d’un polymère à haute performance beaucoup plus économique que la fibre de carbone et qui rend le siège SILQ accessible à tous.
« Quand j’y repense, c’est l’une des meilleures choses qui aurait pu m’arriver dans ma carrière, avoue Nick Deevers. Nous devons créer une nouvelle composition matérielle et un nouveau processus. Il n’y a rien de plus cool que cela. »
« NOUS SERIONS FOUS D’IGNORER L’IMPACT QU’A EU SILQ AU-DELÀ DU SIÈGE EN LUI-MÊME. »
Pour cette équipe, SILQ n’est pas une fin en soi. C’est un début passionnant.
« Quand nous montrons SILQ pour la première fois, les individus sont ravis. Un truc incroyable, explique Mark Spoelhof. Des percées technologiques comme celles-là n’arrivent qu’une fois tous les dix ans dans la carrière de quelqu’un. Mais avec ce que sait l’équipe maintenant, ce ne sera plus le cas. »
« Nous avons désormais de nouveaux outils dans notre boîte à outils, » déclare Nick Deevers. « Nous pouvons faire des choses que nous n’aurions jamais crues possibles. Il faut donc maintenant réfléchir à ce que nous allons faire. Quand on s’assied et se penche en arrière, SILQ s’adapte aux mouvements naturels du corps et donne l’impression à l’utilisateur de ne faire plus qu’un avec le siège. »